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CONNECTIVITÉ HAUT DÉBIT, CAS DES HOTELS DU SÉNÉGAL

Après plusieurs années dans les affaires, particulièrement dans les télécommunications, il nous a semblé, à moi ainsi qu’à certains collègues de l’industrie, qu’il y’a un manque de littérature spécifique sur les solutions de télécommunications dédiées au besoin de connectivité des entreprises.

Cet article vise à aider ces organisations à identifier leur besoin de connectivité actuels et à décrire les moyens de les résoudre. Ces propositions pourraient les aider à s’adapter à l’adoption massive d’internet et de ses usages dans nos sociétés.

Pour être plus pratique dans nos solutions, nous discuterons du cas des problèmes de connectivité rencontrés par le secteur exigeant de l’hôtellerie; de l’importance de les surmonter pour les clients et des technologies disponibles pour les résoudre.

Les télécommunications sont les lubrifiants des activités humaines. Elles agissent comme leviers transversaux d’un développement universel devenu à portée de main. Elles connectent toutes les régions du monde aussi bien les zones urbaines que rurales les plus reculés; apportant aux populations l’infrastructure qui les connectent aux services et technologies améliorant leur quotidien. Ces technologies et services sont propagés par l’ubiquité du mobile par les codes USSD, les sms, la voix d’une part et d’autre part par internet.

 

« La construction de nouvelles super autoroutes électroniques deviendra une entreprise encore plus séduisante… un réseau de télécommunication électronique fonctionnant avec de grandes capacités de transmission, ainsi qu’avec des satellites continentaux, des guides d’ondes, des câbles coaxiaux groupés, et plus tard également via des fibres optiques à faisceau laser… sera formidable sur le plan environnemental et énergétique. Et à terme, les télécommunications ne seront plus qu’un ersatz pour faire fonctionner les engrenages. Cela deviendra notre tremplin pour de nouvelles et surprenantes entreprises humaines. »

 

Nous sommes aujourd’hui à la concrétisation de cette prédiction de 1974 de l’artiste chercheur Nam June Paik, pour la Fondation Rockefeller à la poursuite d’une vision futuriste des télécommunications et de l’audiovisuel.

Internet. Une technologie qui « comme l’air, ne se fait remarquer qu’une fois absente », comme l’a si bien dit Nicolas Negropone, l’un des plus grand informaticien de notre temps. Pourtant, elle joue un rôle primordial dans nos sociétés notamment en vulgarisant le savoir et l’égalité d’accès à l’information, apportant les connaissances aux apprenants, rendant disponible les compétences rares, construisant des ponts entre les organisations et les marchés, mettant en relation les ingénieurs et développeurs, rendant le paiement simple et accessible, offrant une tribune mondiale à des biens et services locaux et dynamise l’activité des industries dont il devient le cœur d’activité. Parmi ces filières figure notamment le secteur hôtelier.

LA SPÉCIFICITÉ DES HÔTELS

Jusqu’à récemment, l’hôtellerie était un secteur où le service internet figurait comme une option dans la liste des services additionnels. Aujourd’hui, à l’image de toutes les autres industries touchées par la révolution numérique, internet est devenu un service de base. Les clients ont besoin d’une bonne connectivité à internet pour « se sentir chez eux », cette promesse de tout hôtel sérieux:

« Offrir à tous nos invités un accueil et un service impeccables dans un climat familier, convivial et agréable afin de rendre leur séjour remarquable »

« Accueil », « Service », « Impeccable », « Convivial », « Familier », « Agréable » ; les mots les plus fréquents lorsqu’on s’amuse à faire le tour des onglets mission des site web des hôteliers. Cela matérialise le voeux d’une recherche pointue dans la qualité de service. Mais pour arriver à ce niveau d’exigence, les hôtels ont besoin d’adapter leur culture à l’évolution des pratiques et de tenir compte des technologies qui révolutionnent le quotidien de leurs hôtes.

Outre l’accueil, l’ameublement, la décoration, la gastronomie et le confort, internet est devenu un critère important de notation de la qualité de service, élément crucial pour le client dans son choix de lieu de séjour. D’autant plus que dans la vie de tous les jours, internet devient primordial, comme l’évoque l’évolution de notre rapport à internet sur plus de 20 ans illustré ci-dessous :

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Pyramide des besoins de Maslow

 

Evolution de l’importance d’internet selon le paradigme de la Pyramide des besoins de Maslow

Avec le développement des innovations dans les nouvelles technologies de l’information et de la communication, la démocratisation des ordinateurs personnels et des services de messagerie électronique, la naissance du WEB 2.0 avec notamment l’avènement des réseaux sociaux, la multiplication des plateformes de commerce et de transfert d’argent; internet est passé au fil des années du statut de volonté d’accomplissement de soi, similaire au luxe ultime, à celui de nécessité fondamentale et vitale. Devenant ainsi un besoin physiologique au même titre que l’eau et la nourriture.

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L’évolution du besoin d’internet à travers les décénies

Évolution de l’importance d’internet dans le temps à travers le prisme de Maslow {5}

Au Sénégal, cette évolution de l’importance d’internet au quotidien se traduit par la position de choix du Wifi dans le classement des services les plus demandés dans les hôtels , au même rang que la climatisation.

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Services demandés en premier par les clients selon Jumia Travel 2016

Les services Hôteliers les plus demandés au Sénégal selon le rapport Jumia Travel

En parallèle, les instances de l’industrie hôtelière, conscientes de l’évolution des usages et des habitudes de la société, ont adapté leurs commodités pour ériger certaines normes de connectivité parmi les critères d’excellence de leurs établissements.

Ainsi, selon le catalogue HotelStar, le critère de connectivité internet apparaît dès la catégorisation de deux et trois étoiles. Ces critères concernent l’accès à Internet dans les zones publiques de l’hôtel (accueil, halls, salons, restaurants etc.) pour les hôtels 2 étoiles (**) etc. En plus des zones publiques, il y’a un accès internet dans les chambres pour les hôtels 3 étoiles (***).

D’ailleurs, selon toujours les chiffres de JumiaTravel, parmi des 1.600.000 touristes reçus au Sénégal durant l’année 2016, 71% ont séjourné dans des hôtels 2 et 3 étoiles.

HÔTEL ET CONNECTIVITÉ HAUT DÉBIT AU SÉNÉGAL
Faisant face à une demande de plus en plus forte et afin de rehausser la faiblesse du débit proposée par une ligne ADSL, technologie la plus répandue, les gérants hôteliers ont trouvé la solution d’agréger plusieurs lignes ADSL.

Cette technologie dotée d’un support en cuivre née à la fin des années 90, propose des débits allant jusqu’à 12 MBPS théoriques. Cette solution convient aux établissements à faible capacité comme les auberges ou les petits hôtels ne souffrant pas de clientèle exigeante et ne concourant pas pour des certifications ou des étoiles.

Il en est tout autre pour les hôtels de la catégorie Superior[3] incarnant le nec plus ultra dans toutes les catégories selon les critères du catalogue HotelStar Union -guide de référence dans le domaine-. Locaux ou franchisés, les établissements de cette catégorie ont des afflux d’hôtes importants et peuvent compter 1000 lits et plus.

Pour ces établissements, l’agrégation de plusieurs lignes ADSL, comme tout autre support d’accès fixe proposé par les opérateurs historiques (FlyBox 3G, Wimax) ou les nouveaux ISP (4G LTE, VSAT etc.), ne suffit pas. En effet, les débits disponibles sur ces lignes demeurent partagés avec d’autres usagers connectés sur la même station de base. Ce qui garantit une disponibilité du débit souscrit qu’à environ 25% du temps.

Cela ne signifie pas que la connexion n’est disponible qu’un quart du temps.

Il s’agit plutôt du débit souscrit, i.e. lorsque vous souscrivez à un abonnement pour un débit de 10 Mbps, ce taux représente le temps où vous aurez concrètement 10 MBPS durant vos sessions ou votre abonnement. Le reste du temps, cela laisse une bande passante correcte pour les applications à faible consommation de données comme YouTube ou WhatsApp.

Pour un usage à domicile, ce taux est suffisant car l’utilisation de la bande passante et le nombre moyen d’habitants au Sénégal par maison estimé à 8[4] sont aisément couverts lorsque la ligne est stable.

Mais les lignes partagées montrent leurs limites lorsque l’utilisation simultanée des lignes dans un secteur atteint un pic. Ces pics correspondent aux périodes où les utilisateurs, à leur domicile, se connectent simultanément à internet: en fin de journée et en week-end. A ces moments, les lignes sont saturées et la qualité de la connexion s’en ressent.

A ces mêmes moments, les clients des hôtels qui partagent les mêmes ressources réseau, donc les mêmes désagréments que les particuliers, voient leur streaming sur NetFlix, leur gaming en ligne ou leur conversation FaceTime se dégrader.

LA LIGNE SPÉCIALISÉE
Pour proposer un internet irréprochable, les hôtels sont voués à s’interconnecter par une liaison qui leur est spécifique, un canevas où seules leurs données et celles de leurs clients transitent, un tuyau où la capacité est stable et garantie puisque non encombrée : cette interconnexion est appelée ligne spécialisée ou ligne dédiée.

Localement utilisée par les banques, les multinationales et les ONG, il s’agit de l’allocation d’une partie de l’infrastructure d’un opérateur pour interconnecter un site spécifique à internet sur un support filaire (fibre optique) ou radio (microwave). Cette ségrégation de la ressource octroie au client une expérience d’internet premium qui assure une disponibilité de service au-delà de 99,8% du temps

En plus de ces performances, la ligne spécialisée garantit une sécurité robuste du transit des données du client ainsi que pléthore de services additionnels comme le fixage des adresses IP publiques, le MPLS , l’IPLC , la mise en place de POP, les services VPN, la collocation etc.

Pour les responsables informatiques et D.S.I. d’entreprises aux données sensibles et/ou importantes comme les hôtels, cette solution est idéale mais a un coût.

En effet, la ligne spécialisée nécessite d’abord des frais d’installations importants liés aux équipements et parfois au génie civil qu’implique sa mise en service, mais aussi elle nécessite le paiement périodique de redevances liées à la capacité fournie.

Les frais d’installation (appelés dans le jargon NRC pour Non Recurring Charges) sont relativement accessibles lorsque le dernier kilomètre est réalisé sur un support radio, que ce soit sur une bande sauvage ou sous licence, il s’agit de mettre en place une liaison point-à-point qui relie le client au point du réseau de fibre de l’opérateur fournisseur le plus proche. La mise en place de cette liaison hertzienne est relativement rapide mais la qualité de la ligne est sujette aux aléas météorologiques qui peuvent la dégrader. A l’opposée d’une liaison en fibre optique qui est insensible à la météo. Cependant, la fibre optique a l’inconvénient de concéder des coûts importants à l’installation puisque nécessitant du génie civil aérien ou (plus couramment) sous terrain

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Schémas descriptif du dernier kilomètre avec différents medium

Schéma Descriptif des support filaires et radio du « dernier kilomètre »

Le satellite est une autre technologie support du service L.S. avec des délais de mise en service sont relativement courts car ne nécessitant pas travaux civils. Cependant, les caractéristiques techniques de la liaison, comme le temps de réponse (RTT) élevé à cause des distances importantes entre antennes réceptrice et le satellite lui-même, font du VSAT une solution peu recommandée car dispensant le client de pratiquement toutes les applications et usages instantanés d’internet. Une des autres limites de la solution satellitaires consiste en un débit ascendant limité.

Hormis les frais d’installation, l’autre élément coûteux d’une ligne spécialisée est la redevance mensuelle (ou MRC pour Monthly Recurring Charges). Elle dépend du débit souscrit et fait supporter au client l’équivalent du total des nombre de ligne que le débit alloué aurait pu permettre de partager. Le nombre d’utilisateurs se partageant le même débit sur un secteur est un indicateur de performance d’un support de communication et est appelé ratio de contention.

Le ratio de contention dépend de la technologie et des équipements utilisés dans l’infrastructure du FAI, pour certains supports, ce ratio tourne autour de 1/15 et se révèle très faible. Pour la fibre, il peut atteindre 1/100 ; i.e. que 100 personnes peuvent se connecter simultanément sur un même débit sans que l’utilisateur n’observe de lenteurs sur sa connexion.

L’ARROSOIR
Pour mieux illustrer le principe d’un réseau partagé aux non-initiés ou aux commerciaux BtoB en formation, on va prendre par analogie approximative l’image d’un arrosoir à tête multiples qui est branché à un robinet ; chaque tête arrose un pot de fleur avec une vitesse constante qu’elle puise de la pression de l’eau sortant du robinet. Ainsi, au bout de chaque tête de l’arrosoir, il est inséré un obstructeur empêchant la pression ou la vitesse d’excéder un plafond, en télécommunication il s’agira du choix du plan ou débit souscrit : 2 MBPS, 8 MBPS, 10 MBPS etc.

Comme pour l’arrosoir dont le propriétaire paiera pour l’installation du robinet, le tuyau d’arrosoir, les accessoires, l’eau et le jardinier entre autres, le business modèle du fournisseur d’accès internet est de faire supporter de manière uniforme aux clients couverts par une station de base (diverses appellations selon la technologie) les coûts directs relatif aux investissements dans l’infrastructure réseau, aux charges opérationnelles et à la capacité en plus de leur marge commerciale.

Au Sénégal, l’avènement des 3 nouveaux ISP détenteurs de licences de télécommunications dont WAW TELECOM a provoqué la baisse constante des prix sur les lignes partagées résidentielles ou entreprises tout au long de l’année 2018. Au moment où j’écris cet article, ces prix déclinent autour de 8000 FCFA, là où il y’a moins d’un an, le prix du MBPS sur le même service stagnaient à 12 000 FCFA. Dans un autre article sera évoqué plus amplement l’impact de l’attribution de nouvelles licences dans les télécommunications au Sénégal.

Pour le service dédié, si nous reprenons la même analogie de l’arrosoir, il s’agit d’un arrosoir classique avec une seule tête qui n’arrose qu’un seul pot de fleur. Le fournisseur d’accès internet facturera les coûts sus évoqués à un unique client, ce qui gonfle le prix du MBPS.

Longtemps restés inchangés, ces prix ont chutés de 250 à 300 milles FCFA en moins d’un an pour avoisiner en fin 2018 les 150 milles FCFA en moyenne ; impact toujours des nouveaux acteurs des télécommunications et de leurs politiques agressives sur le segment BtoB.

Revenons à notre client hôtelier. Une fois l’hôtel convaincu qu’il lui faut un service internet dédié, il faut donc évaluer son besoin en débit. C’est la capacité plafond en volume de données (en milliers de bits ou en milliers d’octets) que sa ligne transportera par seconde, mesuré en mégabit par seconde (Mbps) ou Mégaoctet par seconde (Mo/s) selon les standards.

LE DÉBIT
Pour évaluer le besoin en termes de débit, il faut déterminer le pic de fréquentation de l’établissement et attribuer à chaque utilisateur en moyenne 512 Kbps idéalement. Certains établissements comme Le Business Lounge de l’AIBD avec ses 3 salons respectent ces proportions en prenant une ligne de 40 MBPS ou encore le Palais des Congrès du King Fhad de 300 places et le Radisson Blu qui compte 240 chambres, suites, appartements des lignes d’une capacité de 100 MBPS.

Cependant, la technologie de support, le service dédié et le débit offert ne suffisent pas à garantir une bonne qualité de connexion à internet aux hôtels. Un quatrième paramètre est à tenir en compte : la couverture.

LA COUVERTURE
Il y’a deux moyens de connecter un équipement par internet via un modem ; soit par liaison filaire (RJ45 généralement) ou par Wifi. Pour ce qui est du RJ45, la couverture correspond à la longueur de 0 à 50 mètres du câble interconnecté. Au-delà de 50 mètres, l’atténuation provoquée par la longueur du câble devient trop importante pour la transmission convenable de données.

Pour une connexion sans fil, le rayon de couverture dépend de la puissance du modem wifi. Les modems installés par défaut par les opérateurs sont pour la plupart du moyen de gamme et couvrent des rayons avoisinant les 25-30 mètres pour une capacité de connexion simultanées de 16 appareils (modèle Tenda F3) à 32 appareils. Ces caractéristiques montrent leurs limites lorsque la zone à couvrir est large pour plus d’une centaine d’appareils connectés ; deux particularités idiosyncratiques aux hôtels.

Souvent les hôteliers et autres établissements réunissant une de ces particularités font appel à des tierces parties intégratrices de solutions ou boîtes informatiques pour l’installation d’un câblage et de point d’accès professionnels capables de couvrir des centaines de mètre pour des capacités en connexion simultanées allant à plus de 1200.

Certains nouveaux ISP intègrent ces services à leur business modèle pour gagner en parts de marché et accélérer leur développement. Pour abonder dans ce sens, les FAI devraient améliorer leur approche commerciale en adaptant par exemple leur contrat d’abonnement à la saisonnalité des fréquentations des hôtels afin de séduire le segment d’hôtels 3-4 étoiles qui représente à elle seule une niche de 68%[1] des réservations au Sénégal.

Aujourd’hui, les hôtels qui adoptent les normes des grandes chaînes hôtelières investissent dans des installations de solutions internet professionnelles afin de maintenir ce fameux réseau de communication que Claude Levis Strauss considérait comme la matérialisation même de la culture humaine.


Par Deboye Niang

Par Deboye Niang

Déboye Niang est ingénieur d’affaires, sorti de la promotion Technico-Commerciale 2014 de l’ESMT. Après quelques années dans la gestion de projet entre opérateurs de télécommunications et industriels, il est distingué par l’UCAD qui lui octroie une bourse d’étude à Binary University College of Management and Entrepreneurship de Kuala Lumpur pour un MBA spécialisé dans Management des TIC.

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