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L’impact du dollar sur l’économie Ouest Africaine (Sénégal dans une moindre mesure).

L’impact du dollar sur l’économie Ouest Africaine (Sénégal dans une moindre mesure)

Pour la première fois depuis 2002, le dollar a dépassé l’euro. L’explication qui ressort le plus souvent fait référence aux taux.  En effet La Réserve fédérale Américaine (Fed, banque centrale américaine) a pris depuis le mois de mars la décision de hausser les taux d’intérêt, et rémunère désormais l’argent à court terme à un taux supérieur à 2,25 %. Cette action a eu un impact conséquent sur l’économie africaine et plus particulièrement sur les pays qui utilisent le Franc CFA comme monnaie. Or, dans un contexte d’incertitude économique et géopolitique, quel serait l’impact du dollar sur l’économie ouest africaine ?

Pour répondre à cette problématique nous allons dans un premier temps retracer l’histoire du Franc CFA, puis dans un seconde temps nous allons traiter l’économie ouest africaine et enfin pour finir, nous allons analyser l’impact du dollar.

 L’histoire du Franc CFA

D’après la BCEAO, Le franc CFA est la dénomination de la monnaie commune de 14 pays africains membres de la Zone franc. Il s’agit des Etats suivants :

  1. le Bénin, le Burkina, la Côte d’Ivoire, la Guinée-Bissau, le Mali, le Niger, le Sénégal et le Togo, qui constituent l’Union Economique et Monétaire Ouest Africaine (UEMOA), dont l’Institut d’émission est la BCEAO ;
  2. Le Cameroun, la Centrafrique, le Congo, le Gabon, la Guinée Equatoriale et le Tchad, qui constituent la Communauté Economique et Monétaire de l’Afrique Centrale (CEMAC), dont l’Institut d’émission est la Banque des Etats de l’Afrique Centrale (BEAC).

Il est né le 26 décembre 1945, jour où la France ratifie les accords de Bretton Woods et procède à sa première déclaration de parité au Fonds monétaire international (FMI). Il signifie alors « franc des Colonies Françaises d’Afrique ».

Il prendra par la suite la dénomination de « franc de la Communauté Financière Africaine » pour les Etats membres de l’Union Monétaire Ouest Africaine (UMOA), et « franc de la Coopération Financière en Afrique Centrale » pour les pays membres de l’Union Monétaire de l’Afrique Centrale (UMAC).

Selon le trésor français, les mécanismes de coopération monétaire entre la France concernant la CEMAC et l’Union des Comores reposent sur quatre principes fondamentaux : la garantie de convertibilité, la fixité des parités, la libre transférabilité et la centralisation des réserves de change. Ces mécanismes ont sensiblement évolué en zone UEMOA depuis la signature d’un nouvel accord de coopération monétaire le 21 décembre 2019 qui remplace l’ancien accord datant de 1973. Le rôle de la France en zone UEMOA se limite désormais à celui de strict garant financier. Le régime de change dans l’UEMOA reste toutefois inchangé, avec le maintien de la parité fixe entre l’euro et la devise de l’Union, ainsi que le maintien de la garantie de convertibilité assurée par la France, paramètres essentiels à la stabilité macroéconomique de l’UMOA.

Que signifie la fixité des parités et pourquoi ?

La parité des francs CFA et comorien avec l’euro est fixe, et définie pour chaque monnaie. Concrètement, cela signifie que la valeur de ces monnaies par rapport à l’euro ne change pas au jour le jour, à la différence des monnaies soumises à un régime de change flottant (par exemple, le cedi ghanéen). Ce régime de changes fixes n’est pas incompatible avec des changements de parité (dévaluation ou réévaluation) qui sont décidés par les chefs d’État africains de la zone. 

Quel est le niveau de ces parités ?

Depuis 1945, la Zone franc n’a connu que deux changements de parité, en 1948 et 1994. S’y ajoutent les conversions effectuées lors de la création du nouveau franc français en 1960 et de l’entrée en circulation de l’euro en 1999, mais ces opérations de conversion ne correspondent pas à des changements de parité.

La garantie de convertibilité illimitée accordée par le Trésor français aux deux francs CFA et au franc comorien

  • La monnaie est convertible. La convertibilité désigne la propriété d’une monnaie d’être librement échangeable à tout moment contre de l’or ou contre une devise étrangère, ce qui suppose que les autorités soient en capacité de satisfaire toute demande de conversion présentée. Elle est un facteur essentiel de la confiance dans une monnaie.
  • La garantie de convertibilité illimitée est accordée par la France : en cas de choc sur la situation des comptes extérieurs de l’une des sous-régions de la Zone franc qui se traduirait, par exemple, par l’impossibilité pour les États de la sous-région d’assurer en devises le paiement de leurs importations, le Trésor français s’engage à apporter les sommes nécessaires en euros.
  • Avec la réforme de la coopération monétaire en zone UEMOA intervenue en 2019, la fixité du taux de change est conservée (1 EUR = 655,957 FCFA) et la France accorde une garantie de convertibilité illimitée de la monnaie, qui permet d’assurer la convertibilité des Francs CFA en euros à cette parité fixe même en cas de choc sur la balance des paiements ;

La libre transférabilité

Les transferts, relatifs aux transactions courantes ou aux mouvements de capitaux, sont en principe libres au sein de chacune des unions monétaires et à l’intérieur de la Zone franc.

La centralisation des réserves de change

La centralisation des réserves de change apparaît à deux niveaux :

  • auprès des banques centrales des États africains de la zone,
  • auprès du Trésor français avec le dépôt d’au moins 50% des réserves (CEMAC) ou 65% (Union des Comores) 

Il convient de noter que cette obligation de centralisation des réserves de change ne concerne plus la zone UEMOA depuis le nouvel accord de décembre 2019. Ainsi, la Banque centrale des Etats d’Afrique de l’Ouest (BCEAO) n’est plus tenue de déposer 50% de ses réserves de change auprès du Trésor français. 

L’obligation de centralisation des réserves de change de la Banque des États d’Afrique centrale (BEAC) auprès du Trésor français a connu une évolution en 2007 passant de 65% à 50% et a été maintenue à 65 % pour la Banque centrale des Comores. La centralisation d’une partie des réserves de change auprès du Trésor français est la contrepartie de la garantie de convertibilité illimitée accordée par le Trésor français qui doit pouvoir apprécier l’évolution des réserves de change et mesurer les risques éventuels que la garantie de convertibilité soit appelée.

  1. L’économie ouest africaine

D’après la Banque Africaine de Développement, c’est en Afrique de l’Ouest que la performance économique a été la plus faible, parmi les cinq régions en 2016. La forte baisse de la performance sur l’ensemble de la région rappelle à quel point la croissance moyenne sur le continent africain est tributaire des événements qui se produisent dans un petit nombre de grands pays.

Malgré les importantes richesses de leur sous-sol, l’Afrique de l’ouest émet des difficultés de développement. En effet selon le site cairn.info, l’Afrique de l’ouest génère plus de 27 % de la production africaine de minerai de fer et les gisements de fer les plus riches en teneur (plus de 65 %) sont en Guinée et au Liberia. De nombreux pays sont producteurs d’or de très haute teneur (Burkina Faso, Côte d’Ivoire, Ghana, Mali, etc.). Or un bon développement doit passer par une industrialisation, qui est un défi de taille. En plus de réduire le déficit commercial, l’industrialisation de la région serait profitable à plusieurs titres. Tout d’abord, la diversification des activités permettrait de consolider les économies régionales, qui demeurent vulnérables à la volatilité des cours des matières premières. Par ailleurs, la faible capacité productive prive la région des effets d’entraînement associés au développement industriel, comme, entre autres, la création d’emplois et d’entreprises, l’attraction des investissements étrangers, la transformation du secteur informel, la diffusion des technologies et l’augmentation des exportations. Pour l’heure, l’absence d’industrie entraîne un important manque à gagner, comme l’illustre remarquablement l’exemple du cacao : l’Afrique de l’Ouest produit et exporte 65 % des graines de cacao dans le monde. Mais parce qu’elle ne les transforme pas, elle ne bénéficie que de 3,5% à 6% du prix final d’une tablette de chocolat.

Pour inverser la tendance, les pays de la région doivent supprimer les obstacles qui entravent leur industrialisation et découragent l’investissement industriel local et international aux niveaux national et régional : faiblesse du transport et de la logistique, obsolescence des équipements, pénuries énergétiques, inadaptation de la main d’œuvre aux métiers de l’industrie, manque d’accès au capital et climat des affaires insatisfaisant, entre autres. Ensemble, ils doivent bâtir un espace productif et un marché de dimension régionale à travers des politiques communes de convergence normative, de libre-circulation des personnes et des biens et d’intégration financière et de formation du capital humain. Ces politiques doivent être conçues de manière à positionner stratégiquement la région sur la scène industrielle globale, où les opportunités sont nombreuses, mais les déterminants de la compétitivité de plus en plus complexes.

Un second billet présentera quelques-unes des options qui s’offrent à l’Afrique de l’Ouest pour favoriser la reprise de son développement industriel.

  • l’impact du dollar

L’impact de la fluctuation du dollar par rapport à l’économie des pays de la « zone CFA » a été très violente. En effet, elle s’est rajoutée au nombreux coup de massue que s’est prise les pays de l’Afrique de l’ouest au même titre que les autres pays africains à savoir les nombreuse crises sanitaire (Ebola, Coronavirus…), cris social (guerre civile, coup d’état) ou encore économique. L’économiste et entrepreneur Chabi Yayi nous explique et nous détail les nombreuses cause et conséquence :  

Tout d’abord il nous dit que cette décision a eu comme effet de hausser la valeur du Dollar US par rapport à l’Euro. Avec un Dollar à un tel niveau, notre franc CFA à travers son arrimage à l’Euro, est déjà impactée à de nombreux égards.

–         Il y a une conséquence directe à la hausse sur la valeur de notre dette libellée en Dollars. En une année, entre Juin 2021 et Juin 2022, l’encours de la dette du Cameroun a augmenté de 420 milliards juste à cause de la fluctuation des devises.

–         Nous constatons déjà le renchérissement du prix de nos importations dans un contexte de crise énergétique (prix du baril de Brent à la hausse), ce qui handicape les industries transformatrices sur le continent. La majeure partie des produits de consommation importés sera donc plus chère ; ce qui accentuera l’inflation   pour nos économies caractérisées par une importation massive de produits agroalimentaires.

Les gagnants seront les exportateurs de matières premières (café, cacao, huile de palme, coton, etc.) car il y aura une meilleure compétitivité de leurs produits due à un taux de change plus favorable pour les importateurs internationaux.

Une solution serait que la Banque Centrale Européenne (BCE) augmente à son tour ses taux pour inverser le cours de l’euro. Ce contexte de hausses généralisées des taux d’intérêt aura aussi comme effet la hausse du coût des financements pour nos Etats africains. La hausse des taux aux Etats-Unis aura eu comme finalité le ralentissement du financement des projets d’envergure chez nous en Afrique. La période des taux d’intérêt proches de zéro est terminée.

Nous africains devons changer de modèle pour ne plus subir dans nos pays les choix des politiques monétaires de la FED/BCE. Plusieurs solutions existent pour cela :

– Développer notre marché intérieur via la mise en place effective de la ZLECAF (zone de libre-échange africaine).

– Accélérer la transition énergétique pour nos pays africains ainsi que les projets Gaz to power pour les nouveaux pays producteurs de gaz.

En effet l’Afrique de l’Ouest a un potentiel estimé à 25 000 MW dont le quart serait localisé en Guinée-Bissau. D’après une évaluation en 2007, seulement 16% de ce potentiel était exploité. La Guinée Conakry également compte plus de 1 165 cours d’eau dont trois des 5 fleuves les plus importants d’Afrique (fleuve Niger, fleuve Sénégal et fleuve Gambie) qui y prennent source. Le potentiel hydroélectrique est estimé à 6 000 MW.

Outre cela l’Afrique de l’ouest, un potentiel éolien  important existe sur les côtes sénégalaises et au Cap Vert. Sur les îles de Boa Vista, Sao Vicente, Sal et Santiago du Cap Vert, 35 éoliennes ont été installées au sein de 5 parcs. Elles fournissent près de 20% des besoins électriques du pays en 2014. Le potentiel éolien des autres pays de la région est nettement plus limité. Une concession pour le développement d’un parc éolien d’une puissance de 25 MW a été signée au Togo en 2012 mais n’a pour le moment pas été concrétisée sur le terrain.

L’Afrique de l’Ouest dispose d’un important ensoleillement, évalué entre 5 et 7 kWh/m2/jour (soit près de 2 fois plus qu’en France) au Burkina Faso, au Mali, au Niger et au Sénégal ainsi qu’au Nord du Bénin et du Togo dans une moindre mesure. A l’heure actuelle, aucun projet d’envergure n’a pourtant vu le jour. L’abaissement des coûts et les progrès technologiques permettent cependant à de nombreux projets locaux de petite taille « hors-réseau » de se développer.

Si l’on ajoute à tout cela les récentes découvertes en gaz naturel et en pétrole sur les côtes ouest africaine, l’Afrique de l’ouest peut dore et déjà prendre son envol.

– Une vraie politique de protection de nos industries de transformation agroalimentaires naissantes pour les mettre à l’abri du dumping sauvage des industries asiatiques déversant dans nos pays des produits peu chers et de piètre qualité, empêchant du coup l’essor de notre industrie locale. Comme le dit Gustav Bakoundah, fondateur de l’entreprise agroalimentaire biologique Label d’or et repris pas Jeune Afrique : « Confier notre destin agricole à des entreprises étrangères est une erreur »

L’auteur, Chabi Yayi conclut en disant que néanmoins il ne faut pas se leurrer, la fin du Franc CFA n’est pas la seule solution à tous nos problèmes. Le cas du Ghana actuellement nous édifie sur le fait que posséder sa monnaie flottante n’est pas gage de réussite. Rappelons que le taux d’inflation au Ghana est de 55% sur un an pendant que la chute de la valeur du cedi a été la seconde plus grande baisse d’une monnaie dans le monde après celle de la Roupie du Sri Lanka. Ce qui a poussé la Banque du Ghana à hausser les taux directeurs à 22% !!

Oui pour reprendre en main notre souveraineté monétaire avec notre propre monnaie mais il existe des préalables. Avant d’y arriver, nous devons travailler sur les conditions d’épanouissement d’un tissu industriel, sur la disponibilité en énergie et la mise en place d’un cadre favorisant les échanges entre nos différents pays.

Nous avons le choix : continuer de subir le choix des autres ou se donner les moyens de rester maître de notre destinée.

 

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